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Décarbonation du transport routier de marchandise : quel avenir et légitimité pour les biocarburants face à l’essor de l’électrique batterie ?

  • Guillaume Baudrin
  • 24 sept.
  • 17 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 sept.

Le 25 juillet 2025, la Direction générale des Entreprises (DGE) a publié un rapport [1] dont l’objectif était « de documenter et objectiver les performances de cinq technologies (électrique à batterie, GNV, B100, HVO, hydrogène pile à combustible) ».

Cette prise de position de la part de l'État donne la part belle à l'électrique batterie au détriment des "biocarburants" (à savoir B100, HVO, bio-GNV). Quant à la technologie H2-PAC, l’avis est plus nuancé.

Extrait de la synthèse du rapport de la DGE
Extrait de la synthèse du rapport de la DGE

Cette remise en cause de l’intérêt des biocarburants a suscité une levée de bouclier de la part d’un groupe de représentants des acteurs du secteur des biocarburants et du transport. Dans un communiqué [2], ils ont principalement mis en avant quatre points qu'ils jugent avoir été négligés dans l'analyse :

  1. Les biocarburants sont présentés comme n’ayant « aucun potentiel décarbonant » alors qu’ils sont pleinement reconnus au niveau européen puisqu’ils répondent aux critères de durabilité de la directive sur les énergies renouvelables (RED) avec des réductions d’émissions d’au moins 50 % par rapport au gazole fossile.

  2. Le critère de souveraineté industrielle retenu se limite à l’assemblage des véhicules, sans prise en compte de l’amont industriel, de la chaîne de valeur complète, ni des retombées économiques pourtant largement connues pour les territoires et la souveraineté.

  3. Le caractère émergent de l’industrie du poids lourd électrique en France est passé sous silence : au plus 1 500 poids lourds électriques circulent aujourd’hui en France sur un parc total de 625 000 véhicules.

  4. L’impact environnemental des batteries et la dépendance aux matériaux critiques sont tout simplement absents de l’étude.

Les biocarburants : quel potentiel décarbonant ?

Concernant le B100 :

Bien que les biocarburants respectent les critères de durabilité de la directive sur les énergies renouvelables (RED), la DGE informe qu’il est important de prendre en compte les effets de « vases communicants » — qui pourraient être causés par deux facteurs :

  • Physique : la production française de biodiesel ne devrait pas augmenter de manière significative, ce qui entraînerait une hausse des importations. La DGE ne précise pas davantage ce point. Néanmoins, on peut penser qu’elle fait référence au pourcentage de terres agricole déjà dédié à la production de biocarburant « estimé à 11,5 % de la surface agricole utile française en brut » [3] qu’il semble compliqué d’augmenter sans impact sur la production alimentaire ou la déforestation.

  • Réglementaire : la part maximale des biocarburants de première génération est plafonnée à 7% en valeur énergétique sur l’ensemble des carburants du secteur des transports. Une augmentation de la consommation de B100 (biodiesel à destination des poids lourds) obligerait à diminuer le taux d’incorporation du biodiesel dans le diesel conventionnel distribué en station publique.

Au sujet du HVO, la DGE émet des « Doutes importants concernant la traçabilité et l’origine des matières premières utilisées pour la production de HVO/2G, en particulier en provenance d’Asie (cf. risque origine huile de palme primaire) »

En 2023 déjà, l’association Transport & Environnement [4] avait émis des soupçons de fraude industrielle concernant l’utilisation des graisses animales dans la production de biodiesel.

En effet, en 2022, les pays européens ont déclaré consommer deux fois plus de biocarburants issus des graisses animales de catégories 1 et 2 que la production officiellement déclarée par l’industrie. Cet écart laisse supposer que des graisses animales de catégorie 3, de meilleure qualité, seraient faussement reclassifiées en catégories 1 et 2, ce qui constituerait une fraude industrielle.

Au-delà de l’analyse de la DGE, d’autres limites au déploiement des biocarburants liquides et externalités négatives peuvent être relevés :

  • Occupation importante de terres comparativement à la solution électrique batterie : d’après l’étude de 2023 réalisée par IFEU [5], il faudrait 40 fois moins d’espace pour faire circuler un véhicule électrique avec de l’énergie produite par panneaux photovoltaïques comparativement à un véhicule fonctionnant aux biocarburants :

    • Rendement de production surfacique (photovoltaïque/champ biocarburant) = x20

    • Rendement motorisation (électrique/thermique) = x2

Occupation des sols par les biocarburants (consommés en Europe) et les installations photovoltaïques au sol pour fournir la même distance parcourue
Occupation des sols par les biocarburants (consommés en Europe) et les installations photovoltaïques au sol pour fournir la même distance parcourue
  • Forte dépendance aux importations :

    Un rapport de l’IDDRI [3] indique que «la majorité des matières premières composant les biocarburants mis à la consommation en France en 2022 est importée (respectivement 48 % et 78 % en 2022 pour les filières essence et gazole) ».

  • Culture du colza très intensive en engrais azotés, pesticides, eau (6 000 à 8 000 L d’eau par litre de B100) [3]

  • Limites du HVO : Produits à partir d’huiles et graisses de récupération dont les gisements sont restreints [6]

  • On peut s’attendre à une forte concurrence avec l’aviation et le transport maritime, surtout que la mise en place des e-fuels reste compliquée et coûteuse. Cette situation risque de s’accentuer au vu des objectifs ambitieux que ces deux secteurs se sont fixés d'ici à 2050) [7] :

    • De fortes ambitions Européennes avec « ReFuel EU Aviation » et » FuelEu Maritime » intégrés au paquet « Fit for 55 »

    • Des prévisions de 13,7 à 34,6 TWh de biocarburants consommés par l’aérien + le maritime en 2050 en France,

    • À noter : En France en 2023, 41 TWh de biocarburant liquides ont été consommés et 9.1 TWh de biométhane ont été injectés

À noter que malgré l’ensemble de ces limites et externalités négatives, le B100 bénéficie à ce jour d’importants avantages fiscaux et réglementaires :

  • TICPE environ 5 fois plus faible que pour le diesel ou même l’HVO

  • Les véhicules roulant au B100 classés en Crit’Air 1, malgré des émissions de polluants (notamment d’oxydes d'azote - NOx) proches ou supérieures au diesel d’après AirParif [8]

  • Possibilité de vendre des certificats TIRUERT, générant d’importantes marges financées indirectement par le contribuable

Enfin, au sujet du BioGNV, la DGE évoque là aussi des problématiques de « vase-communicant », et de limites dans son développement (en reprenant en parties certaines alertes que la Cour des comptes adressait dans un rapport en mars 2025 [9]) :

  • Un volume de gaz d’origine renouvelable (biométhane) injecté dans les réseaux représentant 3% de la consommation (3,8% si on vérifie avec les chiffres sur 2024) – utilisé à + de 20% par la mobilité (affichant ainsi un taux d’usage du bioGNV de 44%, via les mécanismes de GO « garantie d’origine »), alors que le secteur ne représente que 1,5% de la consommation nationale.

Des usages dans la mobilité qui peuvent entrer en conflit avec les besoins en décarbonation d’autres secteurs : résidentiel, chauffe dans l’industrie.

  • Une transparence et traçabilité non garantie – l’administration n’ayant pas d’accès direct au registre GO

  • Des doutes sur l’avenir des GO, avec la mise en place dès 2026 des CPB (Certificats de production de biogaz).

La DGE ne donne pas plus de détails sur le sujet. La Cour des comptes, elle fait état des couts croissants du mécanisme de GO (via la compensation par l’état du surcout de production du biométhane), et des impacts de la CPB qui encourage à l’apparition de site de méthanisation de grande taille (à l’impact environnemental plus incertain), et va renchérir le prix du gaz payé par les consommateurs finaux, notamment particuliers.

Elle remet également en question le potentiel de biomasse mobilisable, la seule étude source (faisant état d’un potentiel très majoritairement constitué de CIVE – Culture Intermédiaire à Vocation Énergétique) étant celle de Solagro de 2017.

D’autres points peuvent également être soulevés, comme :

  • L’augmentation à venir du cout d’acheminement du gaz, supportée par le consommateur, avec de nouveaux travaux de réseau (pour raccorder des méthaniseurs)… et donc des couts plus importants à répartir sur moins de consommation (avec la baisse tendancielle due à la transition).

  • Une augmentation de consommation de gaz signifie davantage d’importation… impactant la souveraineté française, et le facteur d’émission moyen du mix gazier (avec une forte augmentation de la proportion de gaz de schiste dans les imports Français suite à la guerre en Ukraine, et de fortes incertitudes sur les taux de fuite de gaz au niveau des installations d’extraction et transport) – la DGE évoque également ces points, au sujet du GNV.

Quelle souveraineté industrielle des poids lourds électrique en considérant l’ensemble de la chaine de valeur ?

Les éléments avancés par la Direction générale des entreprises (DGE) sont les suivants :

  • ~100% des poids lourds immatriculés en France sont assemblés en UE (pour toutes les motorisations)

  • Les batteries sont encore 100% importées

  • Bien que la valeur ajoutée de la production d’un poids lourd électrique, hors batterie importée, soit proche de celle d’un poids lourd thermique, les retombées économiques au niveau national sont supérieures avec le poids lourd électrique (d’un facteur d’environ 2) – du fait d’un plus fort taux d’assemblage sur le territoire Français.

Comme l’indique le communiqué [2], la DGE ne parle effectivement pas de l’impact sur l’ « amont industriel » (seul l’assemblage est mentionné). Néanmoins, il apparait que la fabrication de moteur électrique est une filière fortement développée en France [10] [11] – du moins pour les véhicules légers (nous n’avons pas trouvé d’information publique sur les PL). Aussi, la baisse de production de groupe motopropulseur thermique (principal sous-composant d’un poids lourd) sera pour tout ou partie compensée par la production de moteurs électriques sur le sol Français.

Par ailleurs, la France étant bien positionnée en termes d’usines de fabrication de batteries (notamment ACC à Douvrin et Verkor à Grenoble, PowerCO à Valence), le bilan global pour l’industrie Française pourrait au final être positif, une fois ces chaines de fabrication en activité. Là encore, il faut rester prudent : ces usines viseront avant tout la production de batteries pour véhicules légers (les données concernant la filière poids lourds demeurant difficiles à obtenir), et ces projets restent fragiles, comme l’illustre la récente demande de soutien supplémentaire adressée à l’Europe par trois d’entre eux [12] ainsi que la faillite, au printemps 2025, de l’usine NorthVolt [13] – notamment du fait d’une concurrence internationale très forte.

Automobile assembly and production plants in Europe – ACEA - 4 September 2024
Automobile assembly and production plants in Europe – ACEA - 4 September 2024

Note complémentaire : Cette carte inclut les sites de production de moteurs de la plupart des membres de l'ACEA, mais exclut les usines de transmission, de carrosserie et de toute autre pièce automobile

Parts de marché, offres constructeurs et perspectives d’adoption des poids lourds électriques par les transporteurs

 En 2024, le parc total de poids lourds comptabilisait presque 625 000 véhicules.

Il est indéniable que la part de poids lourds électriques dans le parc français en 2024 est très minoritaire (0,14%) comparativement au GNV (1,60%) et au biodiesel B100 (0,4 %).

Données nationales des poids lourds – 2024 - Service des données et études statistiques (SDES)
Données nationales des poids lourds – 2024 - Service des données et études statistiques (SDES)

A noter concernant le graphique : Les véhicules fonctionnants exclusivement (type HVO) ou partiellement (type B7, B10) au biocarburants liquides sont intégrés aux véhicules diesel étant donné que la catégorie est déterminée à partir des informations inscrites sur le certificat d’immatriculations.

Vision des constructeurs

Néanmoins, les ambitions annoncées par les 7 principaux constructeurs européens de poids lourd (représentant 98% de la production européenne) indiquent un fort potentiel d’évolution du marché du ZET (Zero Emission truck : électrique batterie et Hydrogène) aux horizons 2030 (44 à 60%) et 2040 (80 à 100%).

Ready or not – Transport&Environment – 06.2023
Ready or not – Transport&Environment – 06.2023

Une gamme de véhicules électriques qui s’élargit

Les constructeurs enrichissent progressivement leur offre, soutenus par un contexte favorable :

  • une confiance désormais partagée dans la technologie électrique batterie, sur la base de retours d’expériences positifs dans le segment des véhicules légers (fiabilité, risques, autonomie, durée de vie des batteries, vitesses de charge…)

  • une autonomie des batteries en amélioration constante :

Courbe d’évolution de la densité énergétique des batteries au cours du temps – éKinos - 2024
Courbe d’évolution de la densité énergétique des batteries au cours du temps – éKinos - 2024
  • un réseau d’infrastructures de recharge qui se densifie :

Extrait de la carte TENtec - le système d'information de la Commission européenne destiné à coordonner et à soutenir la politique du réseau transeuropéen de transport – 09/2025
Extrait de la carte TENtec - le système d'information de la Commission européenne destiné à coordonner et à soutenir la politique du réseau transeuropéen de transport – 09/2025

Note de lecture : Respect (en vert) ou non (en rouge) du planning de déploiement d’IRVE prévu par l’AFIR

Un marché émergeant et s’adaptant progressivement aux différents besoins du transport routier de marchandise

Comme l’indique le consortium des acteurs des biocarburants et du transport, le marché du poids lourd électrique est encore en phase émergente. Le retard technologique de l’électrique-batterie par rapport aux carburants alternatifs associés à la technologie très mature du moteur thermique explique ce démarrage tardif.

Toutefois, la maturité actuelle de cette technologie lui permet déjà de se positionner sur le segment du transport de marchandises, en particulier dans le domaine du transport régional (avec des autonomies d’env. 300km).

Quant au transport longue distance, comme l’indiquait une étude de 2024 menée par Enedis, TotalEnergies, Vinci et 6 constructeurs de poids lourds [14], les offres constructeurs à venir à court terme en matière de tracteur routier permettront de couvrir une grande partie des missions long courrier (90% selon l’étude), via des charges pendant les obligations de pause des conducteurs (45min toutes les 4h30).

Cette stratégie des constructeurs fortement orientée sur l’électrique est confirmée également par la création de la co-entreprise Milence par 4 des principaux constructeurs européens de poids lourds, qui déploie des bornes de charges ultra-rapides (format CCS et MCS – Combined/Mega Charging System ) sur l’ensemble du réseau autoroutier européen. 

Un déploiement, qui bien entendu, présente de gros enjeux en termes d’infrastructures, Notamment : renforcement réseau électriques, travaux sur postes sources, gestion des pics d’appel de courant en intégrant les véhicules légers – mais qui ne se cumulent pas heureusement, grâce à du foisonnement.

Des innovations envisagées pour pallier les limites d’autonomie

Des innovations ont par ailleurs été proposées pour pallier le manque d’autonomie des batteries, portant sur :

  • L’infrastructure, via le déploiement « d’autoroute électrique » (ou ERS « Electric Road System ») – permettant une charge continue des PL sur les tronçons autoroutiers (via un rail ou une caténaire), permettant de limiter drastiquement le besoin en autonomie et donc la taille des batteries. Mais un déploiement à grande échelle qui se heurte à de très gros enjeux [15]

  • La réorganisation du transport routier, via la création de terminaux d’échange, où les tracteurs routiers confient leur remorque à un autre tracteur ; chargé, et avec un nouveau chauffeur ; sur le modèle des anciens « relais de poste ». Fin 2023, l’alliance baptisée European Clean Transport Network (ECTN) a lancé une phase d’expérimentation s’appuyant sur cinq stations relais réparties sur un corridor de 900 km entre Avignon et Lille [16]

Schéma du système de transport d'ECTN
Schéma du système de transport d'ECTN

Les batteries pour véhicules électriques : quel bilan environnemental, et quelle dépendance aux matériaux critiques ?

Concernant la prise en compte de l’impact environnemental des batteries, celui-ci figure bien dans l’étude de la DGE. La seconde quantification du gain en CO2eq par rapport au diesel, au-delà des seules émissions « à l’échappement », c’est-à-dire en « cycle de vie », est explicitement précisée comme incluant « l’empreinte du véhicule et de la batterie ».

Par ailleurs, les études mobilisées pour comparer l’impact des poids lourds électriques en ACV (notamment celles de l’ICCT, de Carbone 4 et d’IFPEN / Concawe) intègrent également l’impact de l’utilisation de matières premières, y compris de matériaux critiques.

En ce qui concerne la dépendance aux matériaux critiques, l’analyse ne met pas ce sujet en exergue.

En octobre 2024, une étude publiée [17] par le CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) indiquait que : « la Chine domine l’ensemble de la chaîne de valeur des batteries Li-ion, de l’amont où elle a une main mise sur l’extraction des matières premières et la production des métaux, à l’aval où les entreprises chinoises sont au cœur de la fabrication des batteries ».

Batteries Lithium-ion : Cartographie dynamique de la chaine de valeur et perspectives- CEPII - 10/2024
Batteries Lithium-ion : Cartographie dynamique de la chaine de valeur et perspectives- CEPII - 10/2024

Par ailleurs, il est en effet avancé par l’association WWF dans un rapport de 2023 [18] qu’une voiture électrique consomme en moyenne 2,2 fois plus de métaux critiques qu’une voiture thermique. Ce constat peut également être étendu aux véhicules poids lourds.

Rapport Métaux Critiques – WWF – 11.2023
Rapport Métaux Critiques – WWF – 11.2023

Dans un scénario tendanciel, sans mesures correctives sur le modèle actuel du cycle de vie des batteries, un risque de goulot d’étranglement dans l’approvisionnement en métaux critiques pourrait se matérialiser. Cependant, deux facteurs sont susceptibles de modifier cette trajectoire :

Le potentiel de l’évolution de la chimie des batteries

Les évolutions récentes des prévisions de la chimie des batteries pour véhicules électriques [17]:

  • En 2021, l’AIE prévoyait un recul des batteries LFP (lithium-fer-phosphate) et un essor des batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt), notamment NMC 811, pour les véhicules électriques légers

  • Depuis 2019, la dynamique mondiale s’est inversée : fortes résurgences des batteries LFP, qui gagnent en parts de marché, surtout en Chine où elles représentaient 60 % des ventes de véhicules électriques en 2023

Raisons qui justifient ce regain d’attractivité pour les batteries LFP :

  • Ne contiennent ni nickel ni cobalt, limitant l’exposition à la volatilité et aux prix élevés de ces métaux critiques

  • L’innovation « cell-to-pack » (CTP) a permis de réduire le poids mort et d’augmenter la densité énergétique des batteries LFP, ce qui les rend plus compétitives. Cela limite en revanche la réparabilité des packs batterie et des véhicules, comme alertait l’association Halte à l’Obsolescence Programmée en 2025 [19]

  • Réduction du temps de charge (jusqu’à 10 min pour 400 km d’autonomie)

  • Augmentation de la densité énergétique par intégration de manganèse (LMFP)

Les évolutions des chimies à plus long terme :

  • Les batteries sodium-ion devraient émerger avant 2030 : elles nécessitent moins de matériaux critiques mais leur essor dépendra surtout du prix du lithium, qui n’entre pas dans leur composition

  • Les batteries solides (ASSB, « All Solid-State Battery ») n’auront pas d’impact significatif avant 2030, mais sont attendues comme rupture technologique après cette date

Parts de marché des différentes chimies de batteries utilisées pour les véhicules électriques – CEPII – 10/2024
Parts de marché des différentes chimies de batteries utilisées pour les véhicules électriques – CEPII – 10/2024

Selon le rapport du WWF [18], si les progrès technologiques se maintiennent, l’optimisation de la composition chimique des batteries pourrait réduire de moitié, d’ici 2050, la quantité cumulée de lithium, de nickel et de cobalt nécessaire par kilowattheure produit.

Cependant, les nouvelles chimies de batteries, qu’elles soient plus performantes ou moins dépendantes des métaux critiques, ne pourront pas se déployer massivement à court terme : il faut en moyenne une quinzaine d’années pour passer de la recherche à la production industrielle. Il convient donc de rester prudent face aux annonces trop ambitieuses. D’ici 2035, la technologie lithium-ion (dont font partie les batteries NMC et LFP) devrait conserver sa position dominante, portée par ses performances éprouvées, les investissements déjà réalisés et les effets d’échelle qui contribuent à réduire les coûts.

Le potentiel du recyclage des métaux critiques

  • Si le recyclage des métaux employés dans les technologies bas carbone, comme les batteries lithium-ion, reste aujourd’hui marginal, c’est moins en raison de verrous techniques que du faible volume de produits en fin de vie actuellement disponible.

  • Le rapport du WWF [18] souligne également un fort potentiel de recyclage, tout en mettant en garde sur la capacité de réaction de la filière.

    • À terme, à partir de 2040-2050, le recyclage des matières premières des batteries contribuera de manière importante à la réduction des impacts environnementaux et à la sécurisation des approvisionnements, notamment en lithium, nickel, cobalt et cuivre.

    • Cependant, en raison des longs délais de renouvellement des parcs de véhicules, il est impératif d’engager dès maintenant des actions fortes pour développer les infrastructures, la logistique et la réglementation nécessaires au recyclage.

    • D’ici la prochaine décennie, le recyclage ne contribuera encore que marginalement à l’approvisionnement en lithium, nickel et cobalt, et ne suffira pas à prévenir les risques de tensions d’approvisionnement avant 2030, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et d’autres analyses

  • L’actualité faite d’annonces parfois contradictoires quant aux projets d’unités de recyclage est révélatrice du caractère encore émergent et soumis à de fortes incertitudes de ces filières [20] :

    • Stellantis a renoncé à son projet de coentreprise avec Orano en septembre 2024

    • Eramet a annoncé en octobre 2024 la suspension de son projet d’usine de recyclage à Dunkerque

    • Battri a inauguré en juin 2025 dans le Pas-de-Calais sa première usine de traitement de batteries de voitures

    • La startup lyonnaise Mecaware prévoit de s'installer à Béthune pour recycler d'ici 2029 des batteries

    • Derichebourg a annoncé en mai un partenariat avec le fabricant de batteries coréen LG pour construire une usine de black-mass à Bruyères-sur-Oise (Val-d'Oise)

  • Le développement des batteries LFP, au détriment des NMC, vient par ailleurs rendre plus complexe l’équation économique du recyclage, celles-ci ne comportant pas de Nickel et Cobalt, des matériaux ayant un prix de revente élevé – et le taux de recyclabilité étant globalement plus faible que les NMC

L’Europe, consciente de ses dépendances, affiche une ferme volonté de combler son retard. Sur le plan industriel, de multiples initiatives visent à renforcer les capacités locales de production de batteries, afin d’inscrire le continent dans la compétition mondiale.

Parallèlement, ce volet industriel s’accompagne d’un cadre institutionnel, avec :

  • Le règlement européen sur les matières premières critiques (CRMA) [21]. Entré en vigueur en mai 2024, il établit un cadre institutionnel visant à garantir un approvisionnement sûr, durable et résilient en matières premières critiques, essentielles à la transition écologique, industrielle et numérique de l’Union européenne. Ce règlement s’inscrit comme un pilier pour réduire la dépendance de l’Europe vis-à-vis de fournisseurs étrangers et limiter les risques de rupture d’approvisionnement. Le CRMA définit des objectifs ambitieux à l’horizon 2030 : au moins 10% des besoins doivent être extraits localement, 40% des matières premières doivent être traitées sur le territoire européen, et 25% provenir du recyclage. Il impose aussi une limite stricte fixant à 65% la part maximale de la consommation annuelle pouvant dépendre d’un seul pays tiers.

  • La directive Batteries, remplacée en 2023 par le Règlement (UE) 2023/1542. C’est une législation européenne qui vise à encadrer l'ensemble du cycle de vie des batteries, de leur fabrication à leur recyclage, pour rendre leur production et leur gestion plus durables et respectueuses de l'environnement.

Conclusions

En reprenant point par point les critiques adressées par le communiqué des représentants des filières biocarburant et transport de marchandise à la DGE :

  • Malgré un impact en GES intéressant de chaque biocarburant en le considérant isolément, il n’en demeure pas moins qu'ils n'améliorent en rien les émissions de polluants locaux par rapport au diesel, et que des doutes sur les émissions réelles de gaz à effet de serre subsistent (changement d’affectation des sols, fuites de gaz, …) mais également sur les gisements réellement mobilisables.

Que ce soit en termes de biomasse, d’huiles et graisses de récupération ou de résidus de cultures, les concurrence d’usage fortes avec d’autres secteurs (en mélange dans le diesel B7 ou pour la mobilité très lourde pour les biocarburants, industrie et bâtiments pour le gaz) et la limite en gisement limite fortement le développement effectif ou l’impact positif de son emploi dans le transport routier.

  • La transformation de la chaîne de valeur liée aux véhicules électriques soulève des interrogations sur la souveraineté industrielle, mais la France a clairement choisi ce virage en développant tant l’assemblage que la production de sous-composants comme les chaînes de traction électrique et bientôt les batteries avec plusieurs projets d’usines. Cependant, il reste essentiel de garder une vigilance sur la dynamique du secteur, qui oscille entre annonces de projets industriels ambitieux et fragilité traduite par des abandons et des appels au soutien public.

Si la quantité de poids lourds électriques en circulation est très faible actuellement, l’adéquation progressive des offres constructeurs aux différents marchés du transport de marchandise (notamment en matière d’autonomie), sa compétitivité en cout global ainsi que le développement rapide d’infrastructures de charge adaptées laisse entrevoir une forte croissance du secteur.

  • La DGE a bien intégré l’impact environnemental des batteries en termes d’émission de CO2 (via la prise en compte d’analyses en cycle de vie). En revanche la dépendance aux matériaux critiques n’est effectivement pas traitée. Les enjeux associés, d’ordre géopolitiques, d’acceptabilité sociale, ou environnementaux sont forts. Néanmoins des évolutions technologiques des batteries et la mise en place de filières et réglementation en faveur du recyclage limitent cette dépendance aux matériaux critiques. Il convient néanmoins de rester vigilant quant :

    • A la recyclabilité effective des batteries avec l’évolution des chimies

    • A la réparabilité des véhicules et batteries (les initiatives des constructeurs en faveur de la réduction de cout allant parfois à leur encontre).

    • Aux externalités négatives de l’ouverture de nouvelles mines.

En synthèse: bien que l’analyse de la DGE ne soit pas exhaustive, elle n’apparait donc pas aussi lacunaire et partielle que ce que laisse entendre le communiqué. La critique parait « facile », d’autant que le communiqué en question est lui très sommaire.

L’essor des véhicules routiers électriques, y compris poids lourd, parait de plus en plus inéluctable, face aux limites des technologies concurrentes.

Néanmoins il n’est pas non plus exempt d’impacts négatifs, d’enjeux et de risques – notamment en lien avec les batteries, les modalités de fabrication/ recyclage, et les matériaux entrant dans leur composition - et dans une moindre mesure en termes de demande d'électricité et d'adaptation du réseau.


Autant de préoccupations qui incitent à ne pas parier uniquement sur la technologie, et à enclencher impérativement les leviers du report modal vers du fret massifié (ferroviaire, fluvial, maritime), ainsi que de la sobriété (consommer moins, plus durable et plus local).  


[1]

Transport routier de marchandises : analyse des technologies alternatives aux poids lourds diesel

Direction Générale des Entreprise (DGE)

07/2025

[2]

Poids lourds : l’État remet en cause les biocarburants – les filières réagissent.

Consortium d’acteurs du secteur des biocarburants et du transport

07/2025

[3]

Biocarburants de 1re génération dans le transport routier : mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre et les enjeux à venir

IDDRI - Institut du Développement Durable et des Relations Internationales

11/2023

[4]

L’utilisation de graisses animales dans les voitures et les avions est de moins en moins soutenable

Transport&Environnement

05/2023

[5]

The Carbon and Food Opportunity Costs of biofuels in the EU27+UK

IFEU - Institut für Energie- und Umweltforschung

03/2023

[6]

The fat of the land

Cerulogy

05/2023

[7]

Electro carburants en 2050

ADEME

10/2023

[8]

Mesures des émissions des bus en conditions réelles

AirParif

07/2022

[9]

Le soutien au développement du biogaz

Cour des comptes

03/2025

[10]

Usine de Cléon


[11]

PSA inaugure la ligne de production de ses moteurs électriques à Metz


[12]

Les fabricants européens de batteries alertent sur leur besoin de « soutiens directs » de l'UE

09/2025

[13]

Faillite de Northvolt : « Le suédois a péché par excès d’ambition et manque d’efficacité industrielle »

03/2025

[14]

Électrification de la mobilité lourde longue distance

Enedis, TotalEnergies, VINCI Autoroutes, Iveco, MAN Truck & Bus France, Mercedes-Benz Trucks, Renault Trucks, Scania et Volvo Trucks

03/2024

[15]

éKinos

11/2021

[16]

ECTN : European Clean Transport Network Alliance- Décarboner le transport routier longue distance

Carbone 4

07/2025

[17]

Batteries Lithium-ion : Cartographie dynamique de la chaine de valeur et perspectives

CEPII

10/2024

[18]

MÉTAUX CRITIQUES : L’IMPASSE DES SUV

WWF

11/2023

[19]

L’obsolescence accélérée des voitures thermiques et électriques

Halte à l’Obsolescence Programmée

04/2024

[20]

Recyclage de batteries : de nouveaux projets de recyclage émergent en France

06/2025

[21]

Législation européenne sur les matières premières critiques

Commission européenne

03/2023


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